article de presse
Août 2011 : Le marché chinois attise le braconnage d’éléphants en Afrique Chaque mois, ce sont des cadavres d’éléphants mutilés, décapités ou la trompe coupée, qui sont découverts dans les parcs nationaux du Kenya, du Tchad ou en République démocratique du Congo. Si la sécheresse qui sévit dans la corne de l’Afrique porte une part de responsabilité dans les morts de pachydermes, l’essentiel des carcasses est le fruit du braconnage alimentant le commerce illégal de l’ivoire, qui connaît une recrudescence depuis cinq ans dans la région. Résultat : les populations d’éléphants payent le prix fort. Au Tchad, elles ont diminué de 40 %, passant de 4 000 individus en 2006 à environ 2 500 en 2010. Au Kenya, dans le parc national de Tsavo, qui abrite un grand nombre de pachydermes, on en dénombre actuellement 12 000 contre 35 000 il y a vingt ans. Au total, 37 pays africains sont touchés par un braconnage qui entraîne la mort de près de 100 éléphants par jour sur l’ensemble du continent, selon l’ONG International fund for animal welfare. Surtout, les braconniers s’en prennent aux plus beaux mâles, pour leurs immenses défenses. En s’attaquant ainsi aux reproducteurs, ils menacent l’espèce d’extinction. Pourtant, le commerce international de l’ivoire d’éléphant a été interdit en 1990 par la Convention des Nations unies sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Mais ces dernières années, certains pays africains ont été autorisés à vendre aux enchères leurs stocks d’ivoire issus de défenses d’éléphants morts naturellement ou qui avaient été confisquées à des braconniers. Pour les défenseurs des éléphants, cette vente licite alimente la demande d’ivoire et facilite l’entrée sur le marché de l’ivoire illicite en provenance d’éléphants victimes du braconnage. Ensuite, quelle que soit l’origine de l’ivoire, direction l’Asie. Les principaux acheteurs sont en effet les Chinois. Selon une nouvelle étude sur le commerce de l’ivoire, que cite le Guardian, le nombre de produits en ivoire vendus dans le sud de la Chine, en particulier dans les villes de Guangzhou et de Fuzhou, a plus que doublé depuis 2004, la plupart commercialisés illégalement. « Il n’y a pas eu de braconnage pendant 30 ans au Kenya avant qu’une entreprise chinoise obtienne un contrat pour construire une autoroute de 112 kilomètres. Près de 90 % des personnes arrêtées en possession d’ivoire à Jamo Kenyatta [l’aéroport de Mombassa] sont des ressortissants chinois », livre une longue enquête de Vanity Fair. En cause, le boom économique du pays et l’augmentation du pouvoir d’achat de la population. Les classes moyennes émergentes de l’Empire du Milieu sont en effet friandes de bijoux et objets en ivoire et raffolent de cette substance à laquelle elles attribuent des vertus médicinales. D’après un sondage, 70 % des Chinois pensent que les défenses d’éléphant tombent puis repoussent – à la manière des dents de lait – et que les acheteurs ne font donc que les ramasser. Le marché asiatique est aussi très preneur de cornes de rhinocéros, utilisées dans la médecine alternative comme un remède pour nombre de maux, depuis les cauchemars jusqu’à la dysenterie. Conséquence : le prix de la corne de rhinocéros a explosé. En Afrique du Sud, un gramme de corne vaut même plus qu’un gramme de cocaïne. Cette demande croissante a entraîné une augmentation spectaculaire du braconnage de rhinocéros sur le continent. Selon le Guardian, 333 rhinocéros ont été tués l’an dernier et 193 depuis le début de l’année, contre « seulement » 13 en 2007. Une vingtaine de vols ont aussi été recensés ces derniers mois dans des musées européens et des hôtels des ventes. Les chercheurs et défenseurs des animaux appellent alors la Chine à respecter les lois et davantage contrôler le commerce de l’ivoire, d’autant qu’il existe depuis longtemps des substituts très ressemblants, faits de bois ou d’os. TONY KARUMBA / AFP délocalisation des éléphants